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Self-defense'Chbg
25 octobre 2015

L'interview d'Audrey: 12 excellentes questions autour de la self-défense

Il y a quelques semaines, j'ai été contacté par une jeune personne souhaitant me poser des questions sur la self-défense dans le cadre d'un projet scolaire. Ayant trouvé ses questions d'une grande pertinence, je me propose de vous retranscrire notre échange.

 

1. Avant de débuter, j'aimerais en savoir un peu plus sur vous (nom, expérience dans les arts martiaux,...).

 

J’ai 35 ans. Je pratique les arts martiaux depuis l’âge de 10 ans. Mon parcours : 10 ans de Karaté (shorin ryu, puis shito ryu), puis un peu de krav maga, kapap, full contact et MMA. J’ai ensuite rencontré un enseignant ne transmettant pas un art martial spécifique mais plutôt nous faisant profiter de son expérience très variée dans différents arts martiaux (kung fu, judo…). Puis, je me suis ensuite intéressé à la self-défense proprement dite. Je défini la self-défense comme « l’ensemble des stratégies et techniques permettant de se sortir indemne d’une situation violente ». Cela fait maintenant plusieurs années que je poursuis mes recherches sur le sujet avec un ami et partenaire d’entrainement. Nous enseignons depuis 5 ans.

 

Dans les questions qui suivent, le terme ''agression'' désigne plus précisément une tentative d'enlèvement, de vol, d'agression sexuelle ou de violence physique sur une femme.

 

 

 

2. Les agresseurs ont-ils généralement des caractéristiques permettant de les distinguer d'entre les gens ''normaux'', ceux qui ne nous voudraient aucun mal? 

 

Pas toujours.

 

Par contre, certains signes comportementaux doivent éveiller notre vigilance (non-respect des distances interpersonnelles, signes d’énervement ou de nervosité…).

 

Ces signes seront toujours à interpréter en fonction de la situation (une personne pénétrant dans ma distance d’intimité dans un métro à l’heure de pointe n’est pas nécessairement animée de mauvaises intentions. La situation impose cette proximité. Par contre cette même personne rentrant dans ma sphère d’intimité sur un quai désert éveillera obligatoirement mon attention).

 

 

3. Quels sont généralement les buts/raisons d'une agression?

 

Tout dépend du type d’agresseur.

 

Il existe plusieurs classifications des types d’agresseurs. Voici celle que je préfère car elle est très simple et permet un diagnostic rapide et facile d’une situation :

-          Le mâle alpha : Les agressions « type mâle alpha » sont ce qu’on peut appeler une altercation. Peu importe le sujet, le ton monte et mon interlocuteur cherchera à m’imposer son point de vue par la force (intimidation, ou physiquement). Le but de l’agression est simplement d’imposer une relation dominant / dominé. Etre le patron. Avoir raison… C’est ce qu’on appelle plus généralement la recherche d’un statut social (c’est pour cela qu’on parle de mâle alpha. Mais il peut s’agir d’une femelle alpha). Ce type d’agresseur n’est pas forcément une personne de nature violente (même si cela facilite le passage à l’acte). Il peut simplement s’agir d’un bon père de famille ayant passé la pire journée de sa vie (licencié, quitté par sa femme…) à qui on pique la place de parking. La goutte d’eau qui fait déborder le vase fini par lui faire péter les plombs… Les violences conjugales font partie de cette catégorie d’agression.

 

-          Le prédateur : Les agressions « types prédation » sont les vols, viols, tentatives d’enlèvement… Les motivations de l’agresseur sont totalement différentes de celles du « mâle alpha ». Ici, l’objectif de l’agression est l’obtention d’une ressource (argent, objet précieux, faveur sexuelle…).

 

Pour plus de détails, je t’encourage à lire mon article Modèle_mâle_alpha_vs_prédateur.

 

 

 

4. Comment les agresseurs choisissent-ils leurs cibles?

 

Tout dépend du type d’agresseur et de ses motivations (voir réponse précédente).

 

Si je prends la question dans le contexte « violence physique d’un homme envers une femme », je ne pense pas que le mâle alpha choisisse sa victime (ou du moins pas consciemment). Ce type d’agression se fait souvent sous le coup de l’impulsion. La victime se trouve simplement au mauvais moment, au mauvais endroit. Dans le cas des violences conjugales, la victime est toute désignée.

 

Pour le prédateur, c’est tout à fait différent. Le choix de la victime est délibéré. L’agresseur recherchera le rapport bénéfice / risque le plus favorable.

 

La victime devra donc :

-          Proposer un bénéfice intéressant : C'est-à-dire qu’elle devra posséder (ou sembler posséder) la ressource convoitée (le dernier I-phone, des atouts charme…)

-          Présenter un risque faible pour l’agresseur : femme d’apparence fragile, peu sûre d’elle, seule, non consciente de son environnement…

 

Tous les critères augmentant le bénéfice et diminuant le risque pris par l’agresseur augmentera tes chances d’être choisie comme victime. Que ces critères soient avérés ou non ne comptent pas. Ce qui compte, c’est ce que perçoit l’agresseur.

 

 

5. Où ont habituellement lieu les agressions et à quel moment?

 

Encore une fois, tout dépend du type d’agresseur.

 

Je te propose de lire mon article Risques_et_vigilance.

 

D’une manière générale, les agressions type « mâle alpha » peuvent avoir lieu partout mais se font plus souvent au domicile (violences conjugales), dans les lieux de loisir (à cause de la consommation d’alcool qui désinhibe et échauffe les esprits).

 

Les agressions type « prédation » sont quant à elles plus fréquentes le soir et dans les endroits isolés (pour limiter les risques de présence d’un témoin).

Les statistiques montrent que le nombre d’agression augmente en soirée.

 

 

6. Croyez-vous que d'essayer de parler, négocier avec l'agresseur pour le calmer est une bonne chose? Si oui, comment faut-il s'y prendre?

 

Négocier avec un « mâle alpha » est faisable et même conseillé. Tout ce qui permettra d’éviter l’affrontement physique est valable. Je n’ai pas de méthode prédéfinie pour négocier. Tout dépendra de l’objet de l’altercation et de l’état d’esprit de mon interlocuteur. C’est la situation qui dictera mon comportement. Par contre, même si nous choisissons de négocier, il faut garder à l’esprit que la situation peut dégénérer à tout moment et prendre nos précautions au cas où (garde passive, maintien d’une distance de sécurité, observation de l’environnement…).

 

Négocier avec un prédateur ne me semble par contre pas une bonne idée. L’agresseur a fait le choix de l’agression car il est en supériorité et aura pris toutes ses précautions (choix du lieu et du moment de l’agression, choix d’une victime pas trop dangereuse, complice, arme…). Il a un objectif précis et ne me laissera tranquille que lorsqu’il l’aura atteint. La négociation n’a que peu de chances de réussir.

 

Si la ressource convoitée est matérielle (argent ou objets de valeur), je conseille généralement d’obtempérer. Ma vie ne vaudra jamais tout l’argent ou les bijoux que je peux porter. Si je représente moi-même la ressource convoitée (kidnapping ou viol), alors, je me battrai ou tenterai la fuite. Les statistiques ont montré que la plupart des victimes ayant survécus à ce genre d’agression ont résisté et se sont battues pour leur vie.

 

Bien sûr, ce point de vue n’engage que moi et la réaction sera à adapter à la situation.

 

 

7. Y a-t-il des comportements qui sont à déconseiller lors d'une agression, des choses que plusieurs croient bon de faire, mais qui ne le sont pas?

 

Effectivement, je préconise d’éviter de :

-          Sous-estimer l’agresseur ou présumer de ses intentions. Lui seul a connait ses projets.

-          Le mépriser. Négocier avec un individu nécessite d’essayer de comprendre ses motivations. Je suis convaincu que pour opérer une désescalade réussie, il faut sincèrement vouloir trouver une solution pacifique au conflit. Pour cela, le respect de notre interlocuteur est indispensable. Bien entendu, cette remarque est valable avec un « mâle alpha » avec qui on peut négocier.

-          Provoquer l’agresseur. (« tu n’oseras pas tirer… », « Ah ouais ? et tu vas faire quoi ? »…)

-          Ridiculiser l’agresseur (surtout dans le cas d’un mâle alpha), surtout en publique. Dans ce cas, l’individu n’a d’autre choix que d’attaquer pour retrouver sa dignité. En outre, un agresseur « mâle alpha » ayant perdu la face pourra conserver une rancœur envers moi et décider de se venger ultérieurement. La vengeance étant préméditée, planifiée et organisée, l’agresseur « mâle alpha » devient de ce fait un « prédateur »…

-          Insinuer que l’individu a tort ou ment. « Pourquoi tu me regarde en--lé ? – Je ne vous regarde pas… - Tu me traite de menteur ?... »

 

 

8. On peut lire dans plusieurs livres et sites internet qu'en cas d'agression, il vaut mieux crier «au feu!» qu' «au secours!», car les gens seront plus porter à venir en aide. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

 

Effectivement, certains experts conseillent cela. Cela est lié à ce qu’on appelle l’effet témoin qui postule que plus il y a de témoins, moins ils seront enclins à réagir. Les mécanismes de ce phénomène sont mal connus mais l’une de ses composantes est le phénomène de dilution de la responsabilité (vu le nombre qu’on est, y aura bien quelqu’un qui réagira… Si personne ne réagit, c’est que la situation n’est pas si grave que ça… bref, on se persuade qu’il n’y a pas lieu d’intervenir nous-même).

 

Il semble que crier « au feu » plutôt qu’ « au secours » implique chaque individu à titre personnel puisque la vie de chacun semble en danger. Pour ce qui est du résultat de l’action qu’on obtiendra des témoins, je ne sais pas…

 

Pour ma part, je pencherai plus pour désigner une personne en particulier (« vous la personne au pull rouge, aidez-moi !... ») pour nous porter secours afin qu’elle se sente impliquée personnellement et qu’elle ne puisse pas se cacher derrière les excuses précédemment citées. Mais cela reste à vérifier et je n’ai pas souvenir d’avoir vu des expériences psycho-sociales testant cette hypothèse…

 

 

9. Quelle est selon vous la meilleure attitude à adopter lors d'une agression : Transformer sa peur en colère et crier pour démontrer à l'agresseur que nous n'avons pas peur/que nous ne serons pas une cible facile, ou bien garder son calme?

 

Les deux attitudes que tu cites peuvent être valables. Tout dépendra de l’agresseur, la situation et surtout de la personnalité de la victime. Une victime voulant apparaitre calme et sûre d’elle aura intérêt à l’être. Dans le cas contraire, son langage corporel émettra des signaux en contradiction avec  son discours et l’agresseur s’en rendra compte.

 

 

10. Il existe plusieurs cours de self-defense pour adultes, je crois d'ailleurs que vous en offrez vous aussi si je ne me trompe pas. Qu'est-ce qu'on peut s'attendre à apprendre globalement dans ces cours. Combien de temps durent-ils (un cours seulement, ou plusieurs)? Sont-ils plus axés sur la théorie et les conseils ou bien sur la mise en pratique?

 

Il existe presque autant de manières de concevoir la self-défense que d’enseignants différents.

 

Je ne peux donc parler que de la manière dont nous travaillons.

 

Nous abordons les situations violentes dans leur globalité : Motivations et schémas comportementaux des agresseurs, Mécanismes psychologiques intervenant lors d’une agression tant du point de vue de l’agresseur que de la victime, effets et gestion du stress en situation, stratégies de positionnement et négociation et bien entendu stratégies et techniques d’affrontement physique. En outre, nous gardons en permanence en tête le contexte de légitime défense de notre pays.

 

Pour ce qui est des cours, nous mixons travail technique, mises en application lors de sparrings plus ou moins appuyés, travail sous épuisement physique et jeux de rôles. Pour la partie un plus théorique, nous avons des supports écrits et analyses vidéos.

 

 

11. Conseillez-vous l'utilisation d'objets d'auto-défense? Si oui, lesquels?

 

Je ne suis pas très adepte des objets d’auto-défense même si je sais que certains sont réputés très efficaces. Seulement, pour que cet objet soit efficace, il faut l’avoir sous la main au moment critique (la bombe lacrymogène dans le fond du sac à main ne servira à rien). Il ne suffit pas qu’il soit accessible au moment où les premiers coups partent. Il faut qu’il soit déjà en main.

 

Tout objet peut devenir une arme de défense (stylo, porteclés, journal, téléphone portable…). Il est beaucoup plus naturel pour moi d’avoir un objet de tous les jours en main qu’une arme spécifiquement étudiée pour la défense.

 

 

 

12. Pour terminer, s'il est impossible pour nous de nous enfuir immédiatement parce que l'agresseur nous a agrippé ou nous frappe, quels sont les coups les plus efficaces pour nous permettre de l'immobiliser pour quelques secondes afin de fuir.

 

Immobiliser un agresseur suppose nous-même de nous immobiliser pendant un laps de temps plus ou moins long. Or il faut toujours imaginer que l’agresseur a un ou plusieurs complices. Il faut donc rester le plus mobile possible.

 

C’est pourquoi, je privilégie les frappes plutôt que les techniques d’immobilisation ou soumission (même si nous en enseignons quelques-unes car elles peuvent être utiles dans certaines situations).

 

Dans une majorité de cas, une femme sera physiquement plus faible (comprendre par là qu’elle déploiera une force musculaire moins importante) qu’un homme. Les frappes utilisées doivent donc être décisives. Elles devront donc viser en priorité les zones sensibles.

Pour ma part, j’estime que les zones sensibles à viser doivent être accessibles en toutes circonstances (je limite donc les frappes au torse qui peuvent être atténuées par des vêtements épais).

Les frappes doivent demander un minimum de force et être accessibles sous stress intense. Elles doivent donc être simples et tolérer une certaine imprécision dans l’exécution de la technique.

 

Quelques exemples :

Le smatch, le palm strike, le hamer fist, le chin jab…

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